Nombre de ces travaux de la jeune sexologie ont été réédités et sont accessibles – on pense aux noms de Binet, Tarde, Charcot, Krafft-Ebing, Havelock Ellis, Hirschfeld. Mais ils ont pour point commun de rapporter exclusivement ou presque des cas masculins de ce que l’on nomme aujourd’hui les « paraphilies ». Sylvie Chaperon, historienne des sciences et de la médecine, comble donc un vide dans l’espace francophone en publiant cette anthologie des perversions féminines telles qu’elles furent rapportées par des médecins. Il est certes probable que l’incidence de ces « perversions » est, hier comme aujourd’hui, plus forte dans la population masculine que dans la population féminine. Mais l’exclusion de la parole féminine reflète aussi les préjugés de l’époque, où les femmes sont rarissimes dans les professions de chercheurs, médecins et universitaires, où la « biopolitique » nationale est marquée par le souci de santé des populations et la crainte de la dégénérescence.
Et pourtant, les femmes connaissent bel et bien les perversions : des cas d’onanisme, fétichisme, exhibitionnisme, nymphomanie, érotomanie, saphisme, tribadisme, et même nécrophilie, zoophilie ou pédophilie sont décrits dans ce recueil, avec bien sûr toute la dimension « littéraire » et édifiante que pouvaient avoir les annotations de l’époque, malgré le souci croissant d’une crédibilité scientifique. Cet essai, de lecture plaisante, apportera donc des éléments utiles pour comprendre la naissance de la sexologie mais aussi, plus généralement, pour mesurer les influences socio-culturelles sur l’évolution des sciences psycho- et biomédicales. Alors que le manuel psychiatrique DSM-V est annoncé pour 2012 et que de nombreux débats se lèvent notamment sur sa révision dans le domaine des « paraphilies », un tel recul historique est le bienvenu.
Référence : Sylvie Chaperon (2009), La médecine du sexe et des femmes. Anthologie des perversions sexuelles féminines au XIXe siècle, Paris, La Musardine.
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