samedi 29 janvier 2005

Les bases génétiques de la fidélité

Le campagnol volage qui devient fidèle grâce à l’injection d’un gène : c’est le résultat d’une expérience de modification du compor-tement à laquelle s’est livrée une équipe américaine spécialiste de l’étude de l’attachement social chez ces petits rongeurs.

Moins de 5 % des espèces mammifères ont une structure sociale monogame, qui inclut typiquement la formation d’un couple et l’élevage conjoint des petits, souligne l’équipe de Larry Young, du Centre des neurosciences du comportement de l’Université d’Emory, à Atlanta (Géorgie), dont les travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature.

Les chercheurs ont modifié le comportement du campagnol des champs (Microtus pennsylvannicus) solitaire et polygame qui trouve une nouvelle partenaire à chaque période de reproduction, contrairement à son cousin, le campagnol des prairies (Microtus ochrogaster) monogame par nature, fidèle à sa compagne sa vie durant.

Pour transformer le volage en un être fidèle, les chercheurs lui ont transféré un gène dans le cerveau, au niveau du centre de la récompense (pallidum ventral). Résultat : le rongeur infidèle est devenu un modèle de vertu, n’ayant plus d’yeux que pour sa partenaire du moment. En quelque sorte, grâce au changement de sa chimie cérébrale, il devient «accro» à la fidélité qui lui procure une sensation de bien-être ou «récompense».

Des travaux précédents avaient montré que des récepteurs à une hormone, la vasopressine, dans le cerveau favorisaient la formation des couples. Le mulot fidèle en est généreusement doté, au contraire de son cousin volage. Chez celui-ci, ces protéines (récepteurs), qui interagissent avec l’hormone, sont plutôt en nombre clairsemé. C’est donc le gène du récepteur de la vassopressine (V1a) qui a été utilisé pour modifier le comportement sexuel de l’animal.

Les recherches du Centre des neurosciences du comportement d’Emery, en particulier une expérience similaire sur la souris conduite avec le Pr Tom Insel (1999), suscitent le débat. «La technique très prometteuse de la transgenèse pourrait-elle, un jour, transformer l’homme en mari fidèle» s’interrogeait ainsi le magazine Vogue en 2001 dans un article intitulé : «Le campagnol et les hommes adultères»…

On ignore si la chimie du cerveau humain est similaire à celle des campagnols, mais l’idée qu' «une pilule puisse être un jour proposée à certains hommes est une perspective intéressante», relève un anthropologue américain Melvin Konner, dans un commentaire également publié dans Nature.